lundi 15 novembre 2010

Pas du Pipeau

A ceux qui ont passé leurs quinze dernières années à suivre les plus grandes compétitions de football, éclipsez un instant votre rancœur. A ceux qui se sont pris la tête à deux mains quand Filippo Inzaghi a placé un plat du pied dans le petit filet opposé, regardez de l’avant. A ceux qui ont déjà eu leurs espoirs brisés par la Squadra Azzura, la Juventus ou le Milan AC, rendez hommage, ne serait-ce qu’un lundi donné, à un tueur racé, un renard des surfaces, un raptor véloce qui n’a pas encore griffé sa dernière proie.

Suite à sa blessure en début de semaine, les médecins milanais ont déclaré qu’Inzaghi souffrait de lésions au ménisque et au ligament antérieur croisé et qu’il devait subir une opération provoquant six mois d’absence des terrains. Cette période nous amène au mois de mai, aux quatre dernières journées de Série A et à une très hypothétique finale de C1. Autant vous dire que l’opportunité de le revoir marquer des buts semble compromise, d’autant plus que notre ami transalpin a 37 ans et est en fin de contrat au Milan AC.

Mais nous parlons bien de Filippo Inzaghi, un attaquant au mental exceptionnel qui a déjà passé de longues saisons à se battre contre les concurrents et les multiples blessures et toute idée préconçue sur un potentiel départ à la retraite ne pourrai lui être appliquée. En s’adressant aux supporters Rossoneri, il a déjà annoncé qu’il serait de retour. D’ailleurs, 37 ans, au Milan AC, c’est encore jeune, non ?

Effectivement, bien que la génération des quarantenaires ayant remporté la Ligue des Champions en 2003 et 2007 se renouvelle, nous avons toujours affaire à une pléiade de brillants trentenaires, leaders en Italie à l’heure actuelle et vainqueurs du derby face à l’Inter. Une longévité due à un collectif exemplaire et à des infrastructures inégalées. Le Milan Lab. est le centre médical le plus high-tech d’Europe, il offre un suivi personnalisé de chaque joueur grâce à des logiciels by Microsoft, des partenariats avec les plus grands centres de recherches internationaux et est un fin mélange de technologie, de psychologie et d’électronique. Oui, c’est pour cette raison qu’ils courent toujours aussi vite.

Pour en revenir à notre anti-héros, il a démarré sa carrière professionnelle en Série B à Piacenza, où il était né dix-huit ans auparavant. On lui demande de faire ses preuves en Série C, ce qu’il fera au cours d’une saison à Leffe (non, pas la bière) avec 13 buts en 21 apparitions. Il passera les deux saisons suivantes à l’Hellas Vérone et à Piacenza où il fera définitivement ses preuves en tant que buteur d’avenir. Il est engagé par Parme en 1995 mais y passera une saison difficile, gêné par une blessure. Son envol se réalisera réellement la saison suivante, à l’Atalanta de Bergame. Le club finira la saison à l’inespérée dixième place d’un championnat qui vient d’élire Pippo Inzaghi, meilleur jeune de l’année – il en est aussi le meilleur buteur avec 24 réalisations en 33 matchs. De nombreux clubs se disputent alors l’espoir, qui signera à la Juventus ou il sera enfin entouré de joueurs de rayonnement international, en particulier Zidane et Del Piero. Ce transfert coïncide avec sa première sélection avec l’équipe d’Italie. Pour la petite histoire, Bergame a été relégué en Série B la saison suivante.

Il restera au club quatre saisons (comme son illustre compatriote Vivaldi) durant lesquelles il formera un duo redouté avec Del Piero. La planète connait désormais Filippo, ainsi que son frère Simone (Lazio de Rome) déjà à Rome à l’époque. On retiendra moins les titres qu’il a gagnés à Turin (une Supercoupe d’Italie, une coupe Intertoto et un titre de champion d’Italie lors de sa première saison) que ses statistiques devant les cages : 57 buts en Série A et 19 buts en 28 matchs de coupe d’Europe ! La vieille dame le remplace par Trezeguet et le Milan AC achète Super Pippo pour 41 millions d’Euros.

Il porte les couleurs de l’équipe lombarde depuis dix ans et s’y est forgé la réputation qu’on lui connaît ; celle d’être toujours bien placé pour marquer des buts décisifs, en tant que titulaire ou remplaçant. Il affole aussi les compteurs comme lors de sa deuxième saison : 17 buts en championnat et un titre de meilleur buteur de la Ligue des Champions avec 12 buts en suppléant parfaitement la blessure d'Andreï Chevtchenko et permettant ainsi au Milan AC de décrocher sa sixième Ligue des Champions.

Inzaghi fête ses trente ans et va malheureusement subir des blessures en chaîne : il est victime d’un traumatisme crânien puis d’un claquage au mollet fin 2003. Il se fracture la cheville gauche et doit subir une double opération en avril et novembre 2004 ; il se fracture ensuite la main et est victime d’une tendinite au genou. Vous devinez que ses statistiques prennent un coup d’arrêt d’environ deux saisons. En 2005-2006, il démontre qu’il a un mental à toute épreuve avec un retour au football de haut niveau par la grande porte ; il réalise une saison avec des statistiques d’un but marqué tous les deux matchs aussi bien en championnat qu’en ligue des champions. Comme à son habitude, il assassine aussi les espoirs des adversaires avec des doublés bien sentis ; en l’occurrence contre le Bayern en 8ème de finale puis contre Lyon, en quarts, fatal. Ils seront éliminés par le Barça mais seront de retour la saison suivante. Les vieux de la vieille rafleront le gros lot cette saison-là, avec six buts de Pippo en C1 dont deux en finale.

Aujourd’hui, en attendant son éventuel retour sur les pelouses, on ne peut qu’admirer le palmarès collectif et les records individuels de l’increvable (Wikipédia). Quelques jours avant de se blesser, il marquait deux buts contre le Real Madrid et devenait avec 70 unités le meilleur buteur de l’histoire de la coupe d’Europe ; il devenait aussi le buteur le plus âgé en Ligue des Champions. Pour les amoureux des statistiques, il est le seul joueur ayant marqué dans toutes les compétitions officielles qu’un joueur européen peut humainement disputer. En Série A, il détient aussi le record du nombre de triplés avec dix à son actif.

Si on demandait aux entraîneurs, et aux défenseurs, ils voteraient sans doute pour la retraite de Super Pippo et en guise d’épitaphe, Monday Sport lui offrirai les mots de l’élu Mourinho : « Milan peut jouer avec dix attaquants du moment que Pippo Inzaghi ne joue pas. S'il joue, ce sera plus difficile pour nous… »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire