lundi 18 juillet 2011

Le raz-de-marée nippon.


Le 3 Novembre 1985 donne naissance au Football Japonais...sur une défaite. Nous sommes alors au match retour du barrage final pour la qualification à la Coupe du Monde 1986 entre la Corée du Sud et le Japon. La Corée du Sud remporte le match retour à Séoul 1-0 après avoir dominé le match aller 2-1 à Tokyo. 
"Les coréens nous ont surpassés dans tous les domaines. Je souhaite fortement que nous devenions nous aussi professionnels" - Le sélectionneur nippon, Takaji Mori,  pointe à ce moment là le doigt sur la lacune de l'archipel au niveau footballistique, l'amateurisme.

Depuis 1983, existe en Corée un championnat professionnel regroupant les plus grands groupes industriels locaux et nationaux (Chaebol). La Korean Super League a pour but de renforcer l'équipe Nationale et de permettre aux jeunes joueurs d'exprimer leur talent au grand public. En 1984, est intégré au championnat une règle de "régionalité" pour une implantation plus locale que corporatiste.

C'est ce modèle que Takaji Mori veut suivre et veut faire entendre au sein de la Fédération Japonaise (JFA). Le seul championnat existant au Japon à cette époque est le "Japan Soccer League", une ligue vaguement amateur regroupant des équipes d'entreprises qui jouent pour "occuper" leurs salariés. Heureusement, la déclaration de Takaji va entraîner un certain engouement pour l'équipe nationale et l'arrivée dans ces équipes de certains joueurs étrangers expérimentés. La situation mettra du temps à changer mais en Octobre 1989, le nouveau secrétaire de la JFA qui avait fait ses classes en Europe et notamment en Allemagne, dépose un projet de championnat professionnel de football japonais. Le projet est ambitieux tant le Football au Japon est encore "en construction" mais le pays est dans une bulle financière faste et le Ministère National vois là un moyen de rompre avec l'image "rigide, froide, uniforme et anti-internationale" du Japon.

Le sport "roi", le Baseball jusque là, est vu comme un sport reflétant trop la vie d'un salaryman et ne colle pas avec les nouvelles valeurs proposées par le Football. Finalement, c'est en 1990 qu'est lancée la J.League. Parmi les règles soumises aux clubs, une nette volonté de rompre avec l'amateurisme surtout au niveau des structures. Le championnat doit commencer au Printemps 1993, le temps aux clubs de se mettre en place. 10 équipes composent ce premier championnat. Prends ça la New Team! 

Les investisseurs se devaient maintenant de promouvoir ce nouveau championnat et s'inspirant du modèle allemand, instaurèrent les primes de victoires en plus du salaire de base. Pour le marketing pur, rien de tel que le modèle Américain ; une délégation fut envoyée pour se faire enseigner les techniques de merchandising, de droits photos, TV et autorisations médias. En revenant du Japon, les organisateurs de la J.League créèrent les J.League Pictures (chargée des droits de retransmission), J.League Photo (chargée des photographies), J.League Enterprise (chargée du merchandising), J.Safety (gestion des assurances des joueurs, managers, entraîneurs…) S'en suit également un partenariat avec Sony Creative Products pour développer des produits officiels. Mizuno sera chargé de la création de maillots très "originaux".

Il fallait maintenant sur le terrain des joueurs en adéquation avec ces investissements. Chaque équipe aura le droit au quota de 3 joueurs étrangers célèbres. 

Chaque équipe aurait donc sa star : ZICO, le légendaire « Pelé blanc » pour Kashima ; Ramon DIAZ, ancienne gloire de la sélection albiceleste pour les Yokohama Marinos ; Gary LINEKER, meilleur buteur anglais de la Coupe du Monde 1986, pour Nagoya ; Pierre LITTBARSKI, vainqueur de la Coupe du Monde 1990 avec la RFA pour Ichihara...

Avec toute cette excitation autour de la J.League, tout le pays avait hâte que cela commence et lorsque la J.League ouvrit la billetterie pour le match inagural, 306 269 personnes s’étaient ruées à travers les guichets de tout le pays pour tenter d’obtenir le précieux sésame. Il n’y avait évidemment « que » 50 000 places disponibles. Ce match inaugural était à lui seul un mini SuperBowl avec un show immense.

La J.League était lancée. Pour ce qui est des investisseurs et du président de la J.League, résponsable de toute cette hype mise en place depuis 3 ans, ils étaient avertis qu'ils devaient s’attendre à un milliard de yen de pertes par an (env. 6 millions d’euros) sur les dix premières années. Fin 1993,  trois clubs (Gamba Osaka, Shimizu S-Pulse, Sanfrecce Hiroshima) présentaient déjà des comptes excédentaires.

Mais voilà, la situation au Japon va nettement changer en trois ans, non seulement en raison de la récession économique prolongée, mais également à cause de la désaffection pour le ballon rond et le retour en force du base-ball dans le cœur des japonais. Le phénomène de mode était passé et seuls les vrais amateurs de football remplissaient les tribunes devenue clairsemées. En 1997 la société Tosu Futurs en charge de la promotion de la J League fait banqueroute. Les clubs de Shimizu et de Yokohoma disparurent, ils sont alors peu à croire en la réussite de ce championnat.

Cette crise eut un effet de prise de conscience pour les clubs qui ne n'allait plus mener des politiques de recrutement de stars vieillissantes et entraîneurs étrangers aux salaires mirobolants. Ils allaient devoir se tourner vers le vivier local. Le problème du manque d’entraîneurs de haut niveau était flagrant, et dès 1996, afin de former de meilleurs entraîneurs, un cours sur « l’art de diriger une équipe de sport professionnelle » fut créé à l’université de Tsukuba. Parallèlement, les instances du football décidèrent de mettre en place, elles mêmes, des structures qui permettraient au Japon de disposer à terme d’un gisement d’entraîneurs nationaux. 

En 1998 est créée la division 2, ce qui permet aux clubs de mieux appréhender le milieu professionnel et de réduire les problèmes financiers. La participation à la seconde division nécessitant des investissements et une logistique bien moindres. La J League repartit donc à un rythme "normal". Le football japonais pouvait reprendre sa marche en avant.

Pour booster encore plus ce retour au Football, la Coupe du Monde en 2002 organisée au Japon et en Corée était bien la preuve que le Japon était enfin considérée au moins sur le plan asiatique au même niveau que son éternel rival, la Corée du Sud. Le Japon arrive en pleine forme avec comme entraîneur Phillipe Troussier, nommé en 2001 meilleur entraîneur d'Asie gràce notamment à sa victoire en coupe d'Asie. Cette victoire représente le premier trophée d'ampleur internationale pour le Japon et finit d'installer le statut de légende pour Troussier en Asie. La compétition voit la Corée finir 4e avec un parcours teinté de litiges au niveau de l'arbitrage.

Le Japon finira la compétition en huitièmes de finale, ce qui représente tout de même le meilleur résultat pour le pays. 

Le Japon aura mis beaucoup de temps pour se lancer dans la "culture" du Football bien que l'équipe nationale ai toujours suscité un intérêt particulier. Malgré son retard, elle possède désormais un championnat de première division regroupant près de 20 équipes affichant un niveau correct et possédant des joueurs qui commencent à s'exporter en Europe comme Takashi Usami vers le Bayern de Munich cet été.

Nul doute que la victoire historique des joueuses Japonaises en Coupe du Monde ce week-end installe un peu plus le Japon dans la carte mondiale des nations du Foot. Le seul frein possible au développement du championnat sera le nucléaire... En effet cette année, la catastrophe de Fukushima a entrainée un chômage technique de l'ensemble des joueurs pendant plus d'un mois.

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